Prince des berlingots

Jamais nous n'aurons été plus en familiarité avec François Nouriier qu'avec ce roman. L?académicien figure du monde des lettres a plus de cinquante ans de carrière. Son premier roman L?Eau grise date de 1951. Nouriier a toujours cultivé le genre si particulier de la détestation de soi. Et ils ne sont pas nombreux ceux qui comme lui ont réui à en faire une forme d?art. La plupart des écrivains s?arrête en chemin pour virer vaniteux les autres s?en prennent au monde entier pour finir aigris. Face à la mort prochaine atteint de la maladie de Parkinson Nouriier continue plus que jamais à se raconter comme à distance de soi-même se prenant soi-même comme sujet de moquerie impitoyable et lucide sur cet homme qu?il est devenu avec l?usure du temps "ce mec trois-pièces ce gilet-cravate ce gigot-flageolets". Le Prince des berlingots c?est lui évidemment et sa confeion autobiographique joue l?énergie de l?écriture jusqu?au dernier souffle comme un repouoir contre la mort. Rien ne nous est épargné de la lente décrépitude du corps malade : ni la victoire annoncée de M ou encore dans l?impoibilité de se tenir debout dans un café en proie à une crise d?akinésie il devine les moqueries des jeunes gens devant le spectacle de ce vieux monsieur inutile "barbu cataleptique". Dès que ce tête-à-tête face à la mort vire à l?insoutenable Nouriier rivalise d?esprit sur le tragique il réuit ce pari fou et cruel de "faire rire de soi sans devenir risible". --Denis Gombert